Madame B : itinéraire d’une femme tourmentée
Présenté en avant-première au Caméo Commanderie de Nancy, le documentaire Madame B. : histoire d’une nord-coréenne, réalisé par Jero Yun, retrace le périple d’une mère de famille vers la Corée du Sud. Un voyage aux allures de chemin de croix, reflétant la complexité des relations politiques dans cette partie du globe.
L’histoire de Madame B commence par une rencontre. Celle du réalisateur sud-coréen Jero Yun avec la principale protagoniste de son futur récit. Une rencontre faite alors que le documentariste faisait des recherches sur les réfugiés nord-coréens pour les besoins de son long-métrage Looking for North Koreans. Très vite, des liens se sont tissés et le franco-coréen s’est retrouvé embarqué dans le périple de Madame B vers la Corée du Sud.
Loin d’être linéaire, son parcours la mènera d’abord en Chine, où elle sera arrêtée puis vendue à un paysan qu’elle finira par épousée. « Trafiquée » mais aussi trafiquante, la réfugiée s’essaiera tour au tour au commerce de drogue puis au trafic de clandestins, qu’elle mettra un point d’honneur à envoyer vers le pays du matin calme. Cela dans le but de gagner sa vie et celle de sa famille, restée en Corée du Nord.
« J’avais moi-même du mal à survivre »
De la Chine à la Corée du Sud en passant par le Laos et la Thaïlande (voir image ci-dessus), la mère de famille finira par s’engager dans ce périlleux voyage, ce quelques temps après avoir fait passer ses proches. Grâce à un accord signé entre la Thaïlande et le pays de ses rêves, là où vivent désormais ses enfants, Madame B voit finalement le bout du tunnel. La fin d’un calvaire également pour le réalisateur, confronté aux mêmes tourments que les clandestins qu’il s’est efforcé de suivre. Dans une interview, ce dernier raconte ainsi à quel point il était difficile pour lui de réaliser seul son documentaire. L’ascension des montagnes reliant la Chine au Laos fut sans doute son pire souvenir :
« J’avais un sac dans lequel je rangeais ordinateur, caméra et micro, tout ce qui m’était nécessaire pour tourner. Marcher avec les autres clandestins tout en filmant et en prenant le son seul m’était cependant devenu impossible tant j’avais moi-même du mal à survivre. […] Durant le périple, j’ai donc filmé tout ce que je pouvais filmer, mais dans certaines situations, c’était impossible. Un passeur laotien, notamment, avait un visage qui ne m’incitait pas à sortir la caméra… D’autres fois, ma blessure et la faim m’empêchaient de filmer. »
Cette seule anecdote sur les conditions de tournage rend l’oeuvre d’autant plus forte mais surtout nécessaire. Car si pour nous, européens, traverser une frontière peut paraître banal, il existe, encore aujourd’hui, des parties du monde où se rendre dans le pays voisin est presque impossible. Au point de le raconter dans un film.