Paris pieds nus
Nouveau long-métrage de l’inséparable duo Abel-Gordon, Paris pieds nus a été dévoilé en avant-première au grand public nancéien jeudi 23 février, au Caméo Saint-Sébastien de Nancy. L’occasion d’une rencontre avec les acteurs de ce récit, à la frontière entre théâtre et cinéma.
Tout commence au pays de Céline, des caribous et de la poutine, un jour de tempête comme il en existe beaucoup dans cette partie du globe. Là, Fiona (Fiona Gordon), bibliothécaire réservée et sans histoires, reçoit des nouvelles de la Ville lumière, où réside sa tante Martha (la lorraine Emmanuelle Riva, aujourd’hui décédée). A Paris depuis près de 50 ans, cette ancienne danseuse, un brin rêveuse et étourdie, cherche à échapper à ceux qui voudraient la placer en maison de retraite. « Ridicule » dit-elle dans son message, « je n’ai que 88 ans ! ».
Bien décidée à retrouver sa tante, la canadienne débarque (un peu en touriste il faut le dire) dans la capitale, ville dont elle avait toujours rêvé sans jamais y avoir mis les pieds. Le début d’une folle escapade à travers Paris, à laquelle s’invitera bientôt Dom (Dominique Abel). Un personnage sans domicile mais pas sans goût, charmeur mais aussi et surtout un brin collant. Ce que la grande rousse apprendra à ses dépens durant les 1h23 que dure le film.
Voilà pour la petite histoire, la quatrième coécrite par ce couple cinématographique de 25 ans, formé sur les bancs de l’école de théâtre Jacques Lecoq. Pour le reste, les 83 minutes d’image et de son (omniprésent tout au long du film) défilent comme une sorte de conte moderne, peuplé de personnages hauts en couleur évoluant dans des décors de carte postale. Carte postale loin d’être idéale, tant ce Paris-là dévoile une facette généralement peu exposée aux yeux des cinéphiles : celle des ponts et de ceux qui vivent dessous. Le duo nous raconte comment ces lieux ont été choisis :
Mais plus que le lieu (pas anecdotique pour autant), c’est le trio burlesque Fiona-Martha-Dom qui donne tout son sel au récit, durant lequel chacun pourchasse l’autre de manière frénétique. Très peu de moments de pause, et ceux qu’on nous impose se font en général sur fond musical et au pas de danse. Avec, cerise sur le gâteau, la présence furtive de Pierre Richard, initialement absent du projet mais qui a accepté de remplacer Pierre Etaix au pied levé. Une apparition remarquée, pour ce qui est certainement l’une des scènes les plus marquantes et poétiques du film :
Reste alors à évoquer cette longue et dense collaboration, amitié… (appelez ça comme vous voulez !), ponctuée par quatre spectacles et autant de longs-métrages. Des œuvres toutes estampillés Courage mon amour, compagnie qu’ils créent au début des années 80. De quoi faire naître une certaine lassitude donc, mais pas chez eux, qui ont su se réinventer et quitter leur confort théâtral pour se lancer dans le septième art :
Au final, cette virée dans Paname, pas exempte de tous reproches, devrait donner au spectateur le sourire quasiment de bout en bout. Pas de grands fous-rires donc mais une bouffée d’air frais et un instant de liberté bienvenus en ces temps parfois troubles et austères. Un peu comme une balade pieds nus en somme !