La Fête Est Finie : Orelsan est-il enfin prêt à devenir un adulte ?
Six ans après Le Chant des Sirènes, Orelsan est enfin de retour avec un nouvel album : La Fête Est Finie. Un nom évocateur pour un projet qui se veut de boucler une saga musicale débutée il y a près de 10 ans et déclinée depuis aussi bien en programme court qu’au cinéma.
Orelsan, l’éternel adolescent ?
« J’suis dans l’premier Mario. À chaque fois, j’crois qu’j’ai fini l’jeu, ça repart à zéro ». C’est avec ces mots qu’Orelsan ouvre le troisième volet de sa saga musicale. Une trilogie débutée avec Perdu d’Avance en 2009 et poursuivie en 2011 avec Le Chant Des Sirènes. Comme si le temps n’avait pas eu d’emprise sur lui, avec La Fête est Finie le rappeur retrouve tout ce qui a fait son identité et son univers. Depuis son premier projet, Aurélien Cotentin de son vrai nom, a su se montrer comme le miroir d’une large partie de la jeunesse issue de la classe moyenne de province. Orelsan c’est avant tout ce personnage d’éternel adolescent perdu dans sa vie et partagé entre ses histoires de cœur et ses soirées entre potes.
Perdu d’Avance racontait son quotidien adolescent et Le Chant des Sirènes celui d’un post-adolescent qui refusait de grandir. L’artiste retrouve sur ce nouveau disque tous les codes de son univers. Blagues, second degré, références geek, galères entre potes, etc. sont toujours au rendez-vous en 2017. Mais tout en gardant ce qui fait son identité, Orelsan évite de se singer et ne tombe jamais dans la facilité. Le rappeur poursuit aussi avec son nouvel album, un thème déjà présent sur son second album : la célébrité et les revers et désillusions qui vont avec. Un thème fort notamment évoqué à travers les morceaux « Quand est-ce que ça s’arrête ? » et « Bonne meuf ». Des titres où l’artiste semble regretter sa situation actuelle et rejeter le « monde des adultes » qui est devenu le sien. Et si les éléments de ses précédents projets sont bien présents, ce troisième album marque aussi une réelle évolution pour Orelsan.
Un album entre la pluie et le beau temps
Plus que le bilan de sa célébrité, avec cet album c’est le bilan de ses années d’adolescence qu’Orelsan semble dresser. Le temps a passé depuis Perdu d’Avance et Le Chant des Sirènes et avec La Fête Est Finie c’est une réelle page qui semble se tourner pour l’artiste. Si le nom de l’album intègre des interprétations multiples, le titre éponyme qui l’accompagne illustre bien une « prise de conscience » du rappeur et la fin de la « fête » qu’a pu être son adolescence. Le caennais est désormais un adulte et n’hésite plus à assumer cette nouvelle vie et le quotidien qui va avec. Quand les thèmes récurrents de son univers sont évoqués, à l’image des soirées entre potes ou de sa ville natale sur le titre « Dans ma ville, on traine », c’est désormais avec un certain recul. Là où le rappeur nous livrait son quotidien, ce sont désormais ses souvenirs qu’il évoque en musique. Des souvenirs où se mêlent nostalgie mais aussi, et c’est une nouveauté pour lui, un certain optimisme.
Orelsan nous avait habitué à des textes assez dépressifs, entre peines de cœur, déceptions et peur de l’avenir. Mais avec son nouvel album le rappeur laisse enfin place à l’optimisme. Un optimisme qui gagne progressivement l’album et qui se voit tout particulièrement sur les derniers titres du projet . Ce nouveau statut est d’ailleurs parfaitement résumé dans le titre « La pluie », une collaboration avec Stromae. L’invité y chante : « toujours autant de pluie chez moi mais il fait beau ». La pluie, déjà présente sur la pochette de Perdu d’Avance en 2009 et symbole de l’adolescence de l’artiste, est donc toujours bien présente. Mais dans le même temps, les averses s’accompagnent désormais de soleil. On retrouve donc bien un Orelsan partagé entre les souvenirs de sa « vie d’avant » mais aussi les nouvelles joies de sa situation actuelle. Car oui désormais la vie d’adulte ne fait plus aussi peur. Au contraire, le rappeur se découvre de tous nouveaux plaisirs et c’est bien une nouvelle fête qui semble commencer.
Un artiste qui s’ouvre (enfin) aux autres
Peut-être un autre symbole de l’évolution du rappeur, là où Orelsan nous avait habitué à la seule présence de son acolyte des Casseurs Flowters, Gringe, La Fête est Finie nous livre de nombreuses collaborations. De Stromae à Ibeyi en passant par Nekfeu et Maitre Gims, les invités sont multiples mais surtout particulièrement bien choisis. Orelsan se fait même le plaisir d’inviter Dizzee Rascal, rappeur anglais et l’une de ses principales sources d’inspiration. D’une manière générale ce nouvel album semble d’ailleurs plus que jamais inspiré par les sonorités du rap britannique et de la grime. Orelsan a toujours été fan de la musique d’outre-Manche mais de « La fête est finie » à « Zone » en passant « Dans ma ville, on traine », ces influences semblent plus que jamais assumées. Surtout l’album est peut-être le projet le plus abouti de l’artiste.
Si ses précédents disques pouvaient parfois paraître tels des successions de titres extrêmement variés et sans vraie ligne directrice, La Fête est Finie a une réelle cohérence musicale. Le résultat d’un excellent travail livré par Skread, producteur et chef d’orchestre opérant avec Orelsan depuis les débuts. Et si le rappeur se mélange enfin avec d’autres artistes, les productions aussi laissent place à de nouveaux visages. Aux côtés de Skread qui reste tout de même la tête pensante du projet, on retrouve 2 productions signées par Stromae, la présence de l’artiste de musique électronique Phazz ou encore 2 titres produits par Guillaume Brière du groupe The Shoes. Des collaborations plus que bienvenues et qui illustrent aussi d’une certaine manière l’évolution d’Orelsan. Passé d’adolescent enfermé dans sa chambre à artiste qui s’assume enfin entièrement et qui est désormais prêt à s’ouvrir aux autres.
Un nouvel album pour une nouvelle vie
En parlant de la présence de Guillaume Brière, le musicien livre un titre qui peut résumer à lui seul l’évolution d’Orelsan : le morceau Paradis. Véritable chanson française, dans le sens le plus noble du terme, Paradis est aussi la première vraie chanson d’amour de l’artiste de Caen. Le titre évoque sa nouvelle situation et son envie de se poser et de laisser sa vie passée de côté. Tout un symbole pour un artiste qui nous avait habitué aux déceptions amoureuses, aux filles d’un soir et aux histoires impossibles. Avec Paradis, le rappeur illustre à la perfection les nouveaux plaisirs qui accompagnent sa nouvelle vie. Sans employer des gros mots tels que « album de la maturité », une chose est sûre avec La Fête est Finie, Orelsan a grandi. Et ce n’est pas pour rien que cet album se termine avec « Notes pour plus tard ». Un morceau de plus de 7 minutes où l’artiste assume plus que jamais son rôle de « grand frère » et profite de son nouveau recul pour livrer ses conseils face à l’adolescence et aux peurs qui l’accompagnent.
Orelsan reste un miroir de nos vies et a toujours cette capacité à exprimer en musique, ce que tout le monde semble ressentir au fond de soi. La Fête est Finie est d’ailleurs une évolution logique aussi bien pour l’artiste que pour son public. Lui qui décrivait si bien le quotidien adolescent, livre désormais le portrait d’un jeune post-adolescent prêt à enfin entrer dans le monde adulte et mettre de côté sa jeunesse et les excès qui pouvaient l’accompagner. Et si le rappeur se replonge dans ses moments adolescents, c’est avant tout pour mieux se projeter dans son présent. Avec ce troisième album Orelsan semble donc enfin prêt à quitter cette adolescence débutée avec Perdu d’Avance et qu’il ne voulait pas abandonner avec Le Chant Des Sirènes.
La fête est finie et l’adolescence aussi pour Orelsan. Avec ce troisième album, le rappeur assume enfin sa nouvelle vie d’adulte tout en réussissant à ne pas rejeter son adolescence et ce qui a fait son identité jusque là. Ce nouveau projet s’impose comme l’album le plus abouti et le plus maîtrisé d’Orelsan et une parfaite conclusion de sa trilogie musicale. Un projet dont les thèmes évoqués à travers les textes et la musique du rappeur rentrent parfaitement en résonance avec celle de son public. Un public qui a logiquement lui aussi vu sa situation changer avec les années. Et si la fête de l’adolescence est finie, c’est une toute nouvelle fête qui s’apprête à commencer.
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