Une étudiante de Metz arrête ses études pour vivre à Notre-Dame-des-Landes
Camille est devenue « zaddiste », elle nous raconte son changement de vie, son quotidien, le combat mené sur la zone et les projets d’avenir envisagés après l’annonce de l’abandon du projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes, le 17 janvier 2018.
Une histoire mouvementée
Au départ il y-a l’aéroport Nantes Château-Bougon dont les activités commerciales débutent en 1951 mais qui est estimé trop petit. Deux possibilités sont étudiées, soit la création d’un grand aéroport entre Rennes et Nantes ou un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, considéré à l’époque comme le « centre de gravité » des grandes villes de l’Ouest. En 1967 le plus vieux projet politico-économique de France voit le jour. En 1972 le projet est officiellement lancé et deux plus tard, près de 1225 hectares sont réservés pour les travaux : c’est la naissance de la ZAD, Zone d’aménagement différé. Ce dossier sera longtemps porté par Charles Henri De Cosse Brissac qui déclarait en 1989 « il faut tenir compte de l’évolution des trafics au 2ème millénaire ». Les trafics mais pas que, c’est aussi l’aspect international de l’aéroport qui est mis en avant et le pôle tertiaire qui l’accompagnerait. Le comité de défense des riverains s’inquiète déjà des zones de bruit, et l’ambition internationale est remise en cause. Après plusieurs années d’oubli, la reprise du projet est annoncée en 2000 par l’Etat. Le conflit se radicalise et la bataille judiciaire continue avec les différents recours déposés par le mouvement d’opposition. En 2014, les « zaddistes » redoutent le début des travaux et s’opposent à la destruction légale d’une ferme, symbole de leur combat. La France découvre alors la vie de ces militants ou agriculteurs qui vivent sur les terres de la ZAD, prés de 250 personnes.
Une étudiante rejoint le mouvement d’occupation
Camille a 27 ans, elle est titulaire d’un licence en sciences de la vie (biologie) et plutôt bonne élève. Pourtant elle décide de ne pas postuler au Master à Metz et déménage dans l’Ouest pour rejoindre la zone à défendre Notre-Dame-des-Landes. Pour la messine, les enseignements reçus au sein de l’Université sont déconnectés des réalités, elle préfère s’engager concrètement en partant vivre au sein de la ZAD en 2014. Cette décision c’est un changement de vie, la jeune femme a troqué sa chambre d’étudiante contre une cabane en collectif où elle vit avec 4 autres personnes. Elle a construit sa nouvelle vie là-bas et a réussi à faire accepter ce choix à sa famille, d’abord surprise puis fière d’elle. Au delà du mouvement d’opposition à l’aéroport, les « zaddistes » portent d’autres idéaux : la vie en collectivité, des modes d’agriculture en dehors des circuits d’économie de marché et l’autogestion. C’est ce qui a convaincu l’ancienne étudiante, qui souhaite continuer à vivre sur ces terres malgré l’abandon du projet d’aéroport.
Le quotidien au sein de la zone à défendre est décrit par Camille comme « très riche »: décision collective, activités manuelles, organisation du mouvement d’opposition et organisation de la ZAD sont au programme. Pour une partie des « zaddistes », qui pratiquent l’autosuffisance, la question des revenus ne se pose pas, ils produisent pour subvenir à leurs besoins. Pour l’électricité ils utilisent les énergies renouvelables comme les panneaux solaires. Camille et les autres occupants vivent selon certains principes, ils ne défendent pas seulement des terres mais aussi la construction d’un nouveau monde. Et justement ce monde est avant tout un territoire partagé entre différentes composantes: des associations, des agriculteurs, des militants, des anarchistes et un collectif de paysans… Des individus issus d’univers variés et qui parfois se sont confrontés, voilà ce que décrit la jeune messine. C’est avec le temps que toutes ces organisations ont réussi à s’entendre et aujourd’hui ils ont « une demande forte d’autonomie politique », toutes les décisions sont discutées en assemblée générale, elles ne concernent pas seulement les occupants mais aussi tout le mouvement d’opposition à l’aéroport.
Un avenir incertain pour Camille et les autres occupants
C’est encore une question d’autonomie. Après l’annonce de l’abandon de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, Camille se réjouit mais estime que seul « la moitié du chemin » est parcouru. La question centrale c’est évidemment la gestion des terres qui conditionne le devenir des occupants de la ZAD. Aujourd’hui les opposants réclament que les terres soient gérées par une « entité commune issue du mouvement anti-aéroport ». C’est le début d’une nouvelle période de négociation pour les occupants qui souhaitent désormais défendre leur projet de vie sur ce territoire. Pour l’instant ils ne sont pas menacés d’expulsion en raison de la trêve hivernale qui s’achèvera le 31 mars 2018. Le Premier Ministre, Edouard Phillipe, déclarait le 17 janvier 2018, « les terres resteront agricoles », cependant l’Etat souhaite mettre fin « à la zone de non droit qui prospère sur cette zone depuis 10 ans ». Le gouvernement différencie les agriculteurs expropriés, qui pourront retrouver leurs terres, et les autres occupants, qui doivent quitter le territoire. La première étape c’est le dégagement des trois routes sur la zone. De leur côté, les occupants militent pour le gel des terres et la reconnaissance des projets socioculturels qui se sont construits au sein de la ZAD.
Même si le projet d’aéroport est enterré, le débat public sur l’avenir de cette zone et de ses occupants n’est pas terminé. Camille et les autres « zaddistes » se battent désormais pour conserver les terres et « les amitiés, les amours, les familles » qui se sont crées à Notre-Dame-des-Landes.