Dahman Richter : Portrait d’un militant
Si vous êtes étudiant dans notre belle ville nancéienne, le nom de Dahman Richter vous évoque sans doute quelque chose. En effet, cet étudiant en deuxième année d’Histoire sur le campus Lettres de Nancy, également membre du Collégium SHS, a fait parler de lui sur les réseaux sociaux ces dernières semaines par ses interventions et ses actes militants, notamment dans le cadre du blocage en cours sur le CLSHS.
Si ses interventions et ses revendications, postées le plus souvent sur Facebook, en ont agacé plus d’un, il fait tout de même partie d’un ensemble beaucoup plus large de militants politiques qui prennent part au mouvement social en cours. C’est donc pour cette raison que nous avons voulu partir à sa rencontre pour en savoir plus sur lui et sur ce qui peut pousser un étudiant à s’engager politiquement.
Même si de nombreux raccourcis sont parfois pris par les détracteurs des manifestants, les étudiants, de droite comme de gauche, ayant chacun leurs clichés attitrés, il n’est pas judicieux de s’arrêter à ces préjugés. Ainsi, après une discussion apaisée avec ces personnes engagées, on s’aperçoit bien souvent que leur motivation à agir politiquement est animée, non pas par une volonté de sécher les cours ou par une haine de l’autorité en général, mais bien par des convictions réelles, que l’on soit d’accord avec celles-ci ou non.
Le jeune homme de 19 ans, né à Metz, est issu d’une famille plutôt modeste et peu politisée, bien que marquée à gauche. C’est donc le premier militant de sa famille. Il a grandi avec sa mère, dont il est très fier en raison de son parcours difficile, en HLM et n’a pas pu voir son père pendant une bonne partie de son enfance. Il est d’ailleurs seulement le deuxième de sa famille, après sa mère, à avoir obtenu son bac, qui plus est avec mention très bien. Son parcours ne le destinait pas forcément à cela mais il s’est tout de même engagé politiquement, en marge de ses études, il y a maintenant 2 ans et demi environ. C’est donc de cet engagement et de ce qu’il implique au quotidien dont nous allons parler avec lui.
-Tu es donc militant depuis 2 ans et demi maintenant, qu’est-ce qui t’as poussé à t’engager politiquement ?
Il y a quelques années ma culture politique se limitait au petit journal ou à ce genre de programmes jusqu’à ce que j’aie un déclic, vers Septembre 2016, juste avant l’élection présidentielle, quand la campagne débutait vraiment. A ce moment-là, j’ai découvert Jean-Luc Mélenchon et l’avenir en commun à travers des vidéos de ses passages à la télévision.
Je me souviens par exemple qu’il avait évoqué les premières mesures qu’il comptait appliquer en cas d’élection et le fait d’entendre parler de ces projets, du partage des richesses, d’écologie, de démocratie à travers des mesures comme son Assemblée constituante qui devaient mener à une VIème république m’a donné envie de m’intéresser à tout cela.
En ce qui concerne le militantisme en lui-même ce sont des rencontres qui m’ont poussé à agir. Notamment la rencontre de Valentin Minette, actuel collaborateur de la député Caroline Fiat, qui était dans la même promotion que moi et qui m’a fait découvrir l’action militante et, plus particulièrement un groupe d’appui des jeunes insoumis, créé par Loïck Erman Thil.
– Tu pourrais nous parler de ce que cette expérience t’a apporté ?
Mes débuts en tant que militant me paraissent lointains maintenant… Au début j’avais un peu peur de tout, je n’osais pas aller voir les gens pour discuter avec eux, tracter, coller des affiches mais très vite j’ai commencé à m’habituer et j’ai adoré ça. Je pense que ça m’a aidé à prendre confiance en moi. Au-delà de ça j’ai également rencontré plein de gens supers qui sont aujourd’hui mes amis. Ce sont des gens que je côtoie maintenant très régulièrement et ces valeurs communes nous ont permis de nouer des liens vraiment forts !
-Est-ce que tu ressens une pression sociale ou un changement dans la manière dont les gens te perçoivent depuis que tu assumes tes idées ?
J’ai surtout ressenti ce changement dans les réactions des gens quand j’essayais de dialoguer avec eux. On m’écoutait moins et les gens ne voyaient plus en moi qu’un « insoumis ». Plutôt que de voir en moi un étudiant avec des idées, les gens me font souvent sentir leur rejet des politiciens et de la politique en général, comme si j’en étais un moi aussi, alors que je cherche simplement à partager mes idées ! Je suis souvent face à des gens qui ne croient plus en rien et, simplement parce que je suis politisé, rejettent ce que je pourrais leur dire. Comme si la détestation de la classe politique rejaillissait sur moi, alors que je ne suis ni élu ni payé…
-Tu milites beaucoup sur les réseaux sociaux également, quel accueil tes publications reçoivent-elles en général ?
Les groupes Facebook dédiés aux Etudiants de Nancy et moi c’est une longue histoire. En fait tout a commencé dans un premier groupe, duquel je suis banni depuis. Pendant la campagne présidentielle j’ai commencé à relayer des visuels et des informations venant de la France Insoumise et, à force de me faire remarquer je me suis fait bannir.
J’ai donc rejoint le deuxième groupe dédié aux étudiants de Nancy et j’ai commencé à publier du contenu politique et je me suis heurté à un mur, beaucoup rejetant la politique en bloc, pourtant je pense qu’en tant qu’étudiant il est de notre devoir de s’y intéresser. Bref, j’ai vu le nombre de réactions à mes publications grandir, notamment avec le plan étudiant et une vidéo que j’ai tourné, dans laquelle je parle face à la caméra, et qui a reçu un accueil extrêmement positif, même de la part de gens qui n’étaient pas forcément du même bord politique que moi, donc j’étais plutôt satisfait. Après j’ai aussi publié « Salaud de bloqueurs », un texte que j’ai écrit pour tourner en dérision les clichés qui étaient véhiculés sur les bloqueurs et qui a reçu plus de 500 réactions dont énormément de positives.
Après évidemment beaucoup de gens s’opposent à ce que je peux publier mais j’ai tout de même beaucoup de retours positifs.
-Concrètement, être jeune et engagé aujourd’hui ça se passe comment ? En quoi consistent tes actions ?
Eh bien on ne s’arrête jamais vraiment… Par exemple dans le cadre du blocage il faut trouver des idées en permanence pour produire des visuels, il faut mettre au point des stratégies, produire et diffuser des tracts par exemple… Encore une fois au niveau du blocage on organise des cours, des conférences, là par exemple je sors d’un atelier de sculpture. Bref, on fait appel aux compétences de chacun pour faire vivre nos actions et faire vivre la Fac en cette période de blocage.
-As-tu des ambitions politiques particulières pour la suite ?
Je n’ai pas d’ambitions personnelles particulières puisque ma première ambition est de faire retirer le plan étudiant et c’est une ambition collective, je ne peux pas le faire seul ! D’ailleurs, même si je suis pour le blocage, la nuit dernière j’ai rêvé que j’étais en cours. Moi aussi je préférerais pouvoir vivre une année normale, dans un cycle normal mais on ne peut pas se permettre de laisser passer de telles réformes qui, de toute manière vont faire empirer la situation si on ne fait rien.
-En quelque mots, pourquoi faudrait-il, selon toi, s’élever contre ce fameux plan étudiant ?
Tout d’abord pour moi le plan étudiant tape totalement à côté des revendications, que ce soit celles du personnel, des étudiants ou des professeurs. En effet, le problème ne venait pas d’APB, s’il y avait effectivement un tirage au sort dans certaines universités c’était totalement illégal selon le Code de l’Education, ça ne venait donc pas de ce système. Le problème vient d’abord du manque de moyens alloués à l’éducation, et ce depuis le gouvernement Hollande.
Les problèmes que posent la réforme proposée sont notamment les attendus et les prérequis qui vont former la sélection. On va par exemple demander à des professeurs qui n’ont aucune légitimité pour cela de juger si un élève de Terminale dispose d’empathie pour aller en filière de psychologie. Ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Il y aurait également des « Oui mais » dans les réponses faites aux élèves qui conduiraient à des stages de remise à niveau mais les universités n’ont aucuns moyens pour mettre en place ces stages.
On va également demander aux lycéens de fournir un CV et une lettre de motivation mais quel genre de CV peut avoir un jeune de 18 ans sans expérience ? Seuls les enfants ayant bénéficié d’un cadré privilégié pourront mettre des stages ou des voyages dans ce CV, cela rend donc cette sélection d’autant plus injuste.
J’aurais pu également parler de la réforme du bac, du manque de moyens concrets pour appliquer cette réforme ou encore des étudiants salariés qui courent à la catastrophe sans rattrapages et compensation mais cela prendrait trop de temps.
Je répondrai simplement aux gens qui viennent nous voir en nous disant de débloquer le campus pour qu’ils puissent rattraper leurs mauvaises notes du premier semestre que, si la loi passe, ils ne pourront même plus prétendre rattraper leurs notes au second semestre sans compensation.
J’aimerais aussi dire à nos détracteurs que nous ne sommes pas payés, nous n’avons pas d’intérêt à vous mentir sur quoi que ce soit, nous agissons juste de la manière que nous jugeons la plus juste, d’autant plus que personnellement j’ai toujours eu de très bonnes notes donc cette réforme ne me concerne pas, je ne fais donc pas ça pour louper des cours mais bien pour protester contre quelque chose d’injuste.
-Pour toi, qu’est-ce que doit représenter un mouvement de contestation étudiante ?
Premièrement, dans le mouvement de contestation actuelle, nous n’avons pas élu de dictateur du prolétariat (rire)… Un mouvement de contestation étudiante se doit d’être collectif, participatif, chacun doit pouvoir s’exprimer et il ne doit pas y avoir de réels décideurs. Je prends l’exemple du comité de blocage de la Fac de Lettres, chacun peut venir donner son avis, tout le monde peut participer à la prise de décision, même les antis-blocage s’ils prenaient la peine de se déplacer !
Et puis, pour ceux qui en doutent, non on est pas bourrés quand on prend nos décisions et non nos journées durant le blocage ne se résument pas à boire des bières devant les amphis ! (Rire)
-Ne penses-tu pas que le blocus divise les étudiants plutôt que de les rassembler ?
Bien sûr qu’il divise les étudiants. Mais ils étaient déjà divisés auparavant et ils le seront toujours ! Les étudiants ne sont pas une entité ou un groupe homogène qui pense toujours de la même manière. Heureusement que les étudiants ont des opinions divergentes ! Cependant je remarque tout de même que beaucoup se retrouvent en opposition à cette réforme puisque les pro-blocus sont forcément contre le plan étudiant tandis que les antis-blocus ne sont pas tous favorables à la réforme. Même historiquement, ce genre de division a toujours existé, on peut prendre comme exemple Nicolas Sarkozy qui, en 1976, manifestait contre les étudiants « grévistes ».
DAHMAN PRÉSIDENT !!!