Harcèlement politique sur les réseaux sociaux
C’était le jeudi 14 février, Dahman Richter, étudiant et membre de l’UNEF était notre invité. Victime de cyber harcèlement à cause de son orientation politique, il témoigne pour lui, et pour tous les autres.
Depuis la venue des réseaux sociaux, leur ampleur, leur place dans nos vies respectives, un nouveau lieu s’est créé. Il s’étend à l’infini et se renouvelle à chaque instant. Il permet diffusion, échanges, partages et discussions en ligne. Et ouvre sur un monde dans lequel nous finissons par tous nous projeter, nous représenter, comme dans n’importe quel autre espace public.
Pourtant, par son usage, cet espace communautaire qui connaît bien des utopies, peut cacher une partie plus obscure. Car tapi dans l’ombre, derrière son écran, l’individu qui harcèle est un harceleur masqué.
Cette déviance, qui agit avec plus ou moins d’importance, de force, et d’impact : c’est le cyber harcèlement.
Qu’est-ce que c’est ?
Le cyber harcèlement peut porter plusieurs visages. Injures, remarques incessantes, commentaires désobligeants voire insultants, rumeurs colportées et partagées, photos prises et diffusées sans accord, ou retouchées… Autant de manières de critiquer, juger, et rejeter quelqu’un. La cause ? Une question de différence non admise par certains, qu’elle soit identitaire, idéologique ; ou bien le simple fait du hasard pour faire de la personne un bouc émissaire, accumulateur de frustrations et bêtises d’autrui. Ou alors c’est un jeu pervers : du chantage et harcèlement affectif, ou sexuel.
Le cyber harcèlement n’est pas direct, il passe par un média, séparant harceleur et victime. Mais il n’en est pas moins agressif. Certains le vivent au quotidien, par des connaissances, ou même un groupe de personnes plus ou moins proches de leur vie, qui puisent leur force et leur véhémence dans cette pression du groupe et cette satisfaction d’y appartenir.
Mais c’est surtout de la souffrance qui en résulte, et cela n’a rien de virtuel. Une souffrance qui peut avoir de lourdes conséquences sur la vie de chacun. Les cas engendrés d’isolements, de dépressions, voire même de suicides, attestent de la gravité évidente du cyber harcèlement qui se manifeste comme du harcèlement moral et psychologique. De l’acharnement, goutte d’eau après goutte d’eau pour former un océan. Car un réseau social c’est une vitrine, une exposition d’un « nous ». Mais aussi une part de nous. Qui en dehors de la surface, cette partie émergée, se trouve un véritable être humain, qui vit, respire, et parfois souffre en silence.
Parmi ses « motifs » : la différence d’orientation politique donnant lieu à un véritable « concours »
Dahman Richter, membre de l’UNEF, syndicat étudiant, et étudiant à la Faculté de Lettres de Nancy, est venu en studio pour en parler. Il tient toutefois à rappeler n’être « pas venu là pour pleurnicher » mais discuter de ce qu’il se passe sur la toile. Le cyber harcèlement ne lui est pas inconnu, bien au contraire : « oui oui je connais depuis l’année dernière, et je connais d’autant plus que maintenant ça touche des camarades à moi », eux aussi membres de l’UNEF, « le réservoir à mèmes », provenant d’un nombre inconnu de personnes. Faux comptes y étant pour beaucoup.
L’étudiant confie à quel point le fait est régulier, cela en est même devenu « totalement banal », du fait d’une « liberté d’expression totale » explique-t-il, qui ne condamne pas le griefs sur de nombreux groupes, dont le principal et le plus actif en la matière : « Les Etudiants de Nancy », sur Facebook. Un groupe qu’il qualifie de « pourri ». De lui même, Dahman est parti à la rencontre d’un administrateur du groupe pour lui faire part du problème, sans changement. Il rétorque que « les administrateurs s’en fichent », et resteraient indifférents face à la situation.
A la suite de certains commentaires, de « personnes qui n’étaient pas débiles […], qui n’étaient pas des violents » un dialogue a finalement pu se nouer. Mais où est donc la limite ? Il y répond vivement et fermement : « la limite c’est l’insulte, c’est la menace […]. Le respect ». Une limite largement franchie, car ce que reçoit Dahman a son lot de menaces : « des menaces de mort », « de brûler ma maison », « ma voiture ». Le tout, par des publications publiques, ou bien par messages privés, qui se font toujours de plus en plus nombreux.
Pour le jeune homme, le phénomène s’intensifie : « C ‘est allé en empirant depuis l’année dernière », « c’est vraiment pire » . Ce phénomène, il décrit comme « Un concours de celui qui sera le plus bête » . Auquel il réagit au micro en ces termes : « J’ai pitié pour eux car je me demande comment on peut avoir autant de haine en soi », « je n’arrive pas à les haïr, je n’arrive qu’à avoir de la pitié pour eux ». Pour ce qui est de la quantité quotidienne de messages reçus, il en recevrait « toutes les heures ». Pas de répit pour les façonneurs de trouble moral qui œuvrent dans la gratuité du geste. De la torture psychologique.
Saisir la justice : l’unique solution contre cette vague de haine.
L’année dernière, Dahman pensait que cela allait arrêter et a donc renoncé à porter plainte. Aujourd’hui, il regrette, et dit ces quelques mots : « même si moi personnellement ça ne m’atteint plus […], j’aurais dû le faire quand même pour les autres [….]. Je regrette parce que je me dis que si peut-être j’avais porté plainte et que ça avait maintenant mené à de réelles conséquences, bah il n’y aurait pas tout ce harcèlement envers mes amis ».
Ainsi, lui, ainsi que la présidente le l’UNEF, et tous ceux qui en auront été victime, feront partie d’un dossier pour porter plainte, c’est ce qu’il a annoncé en direct du studio, en rapport aux faits de cette année, et de ceux de l’année précédente. Cette plainte sera déposée prochainement, lorsque tout sera réuni.
Des faits qui ne dépassent pas le monde dématérialisé pour rejoindre le matériel. Tout se joue sur les réseaux sociaux pour l’étudiant du campus Lettres. Pris pour cibles, lui et d’autres membres de l’UNEF, se transforment en « icônes ». Même si, le manque de respect, ne décolle pas aux personnes qui n’en font déjà pas preuve sur les réseaux sociaux, ce qui expliquerait, selon Dahman Richter, les débordements visibles en Assemblées Générales.
Pour rappel :
- Injures ou diffamation sur les réseaux sociaux jusqu’à 12 000 euros d’amende.
- Droit à l’image si détournement, atteinte à la dignité de la personne, même tarif
- Usurpation d’identité, jusqu’à un an d’emprisonnement et 12 000 euros d’amende
- Prévention, numéro vert mis en place : 0800 200 000
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