Trauma: voyage au centre de nos peurs
Les jambes tremblantes, l’estomac noué et terrorisée, c’est ainsi que j’ai fini lorsque le spectacle Trauma s’est terminé. Jeudi soir, l’ambiance à la MJC Pichon de Nancy était particulièrement angoissante, et ceci dans un but : vaincre nos peurs.
Deux mois après leur première représentation, la troupe Olibrius a remis le couvert jeudi 12 avril, avec un but : repousser les limites encore plus loin. Les intéressés étaient déjà avertis sur les réseaux sociaux : le spectacle était déconseillé aux moins de 16 ans, aux épileptiques, aux cardiaques, ainsi qu’aux représentants de la loi. Des effets spéciaux et du maquillage sanglant étaient également annoncés. Le spectacle s’annonçait alors déjà gore et horrifique.
Traiter le mal par le mal
Alors que nous autres spectateurs attendaient l’ouverture des portes, les comédiens sont venus à notre rencontre afin qu’on leur note nos peurs sur des feuilles qu’ils faisaient passer. Ils allaient alors les « traiter » en faisant une improvisation dessus, en jouant des situations tellement atroces qu’elles n’arriveront jamais, du moins l’espèrent-ils… En entrant dans la salle, c’était eux qui nous plaçaient et qui au passage nous séparaient de la personne qui nous accompagnait si nous étions venus à plusieurs. Il ne fallait pas compter sur la proximité d’une personne connue en cas de flippe totale.
Pas d’applaudissements lors de cette « conférence », comme ils tenaient à appeler ce spectacle, juste des mains en qui se secouent entre chaque improvisation, à la demande des comédiens. Si bien que les voir tous souriants à secouer leurs mains entre chaque improvisation avait l’air totalement absurde et décalé.
Quatre peurs ont été traitées ce soir, une interprétée par chaque comédien. On a eu dans l’ordre la peur de décevoir, la peur de se noyer, la peur de l’administratif et la peur d’être attaché. Le comédien se mettait alors à la place de cette personne victime de cette peur, et de là la troupe brodait un canevas autour de ça. C’est ainsi qu’on a eu droit à des scénarios extrêmes, terrorisants aussi bien sur le plan physique (tout ce qui touche au gore) que sur le plan psychologique (humiliation et crimes tels que le viol). A la fin de l’improvisation, lorsque la même question était posée à celui qui a enduré cette peur pendant 30 min d’improvisation « penses-tu que la personne dans la salle a désormais traité sa peur ? », question répondue par l’affirmatif.
Une ambiance crescendo
Plus le spectacle avançait, plus il devenait horrible. La première improvisation nous a laissé voir le décès du protagoniste par poison (on l’a vu cracher du sang), mais cela reste minime face à la suite du spectacle. L’improvisation suivante n’était pas sanglante, mais très éprouvante : il s’agissait d’un meurtre par noyade provoqué à la suite d’un pari qui promettait de l’argent. La troisième qui se dressait autour de la peur administrative était la plus dure psychologiquement : une femme qui venait de se faire violer portait plainte au commissariat. L’ambiance était malsaine et on sentait la peur de la jeune femme. C’est au moment où elle est emmenée devant deux suspects et qu’elle reconnaît l’un des deux que l’horreur dépasse tout : l’agresseur est un collègue du policier, et la scène se finit avec la femme plaquée au sol par ce dernier, hurlante. Les lumières s’éteignent, nous laissant imaginer le pire. Quant à la dernière peur, elle fut sanglante : un homme attaché, torturé, mort découpé par une tronçonneuse. Du faux sang de partout.
Mais alors qu’on pensait que l’horreur était finie et qu’on pouvait rentrer chez nous, tout est parti en vrille. Les lumières s’éteignent brusquement, on se doute que le pire va arriver. C’est là que la jeune femme qui « n’a pas extériorisé sa peur » revient, zombifiée, hurlante, terrifiante. Les autres comédiens tentaient de la contrôler, on entendait hurler, on voyait du sang, une autre femme en train de se faire raser la tête jusqu’au sang, (une complice de la troupe), des gens de la salle s’étaient levé et récitaient des phrases monocordes, comme des récitations. Tout était affreux, horrible, tout semblait si réel. Puis coup de feu, mort de la zombie. Silence. « Normalement la conférence ne se finit pas comme ça, désolés. On va alors passer à l’autre protocole » annoncent-ils avant de se suicider en buvant du poison. Puis le rideau se ferme sur les corps baignant dans le sang, crachats et autres substances. Applaudissements, fin de la pression.
Trauma fut un spectacle encore jamais vu. C’était éprouvant, clairement pas réservé aux âmes sensibles. C’est un spectacle de théâtre d’improvisation impressionnant, qui repousse les limites au fil de la soirée. Pour ceux qui ont beaucoup de courage, la troisième représentation a lieu le 14 juin 2018, à la MJC Pichon de Nancy encore une fois.
Vous pouvez également retrouver l’interview de la troupe Olibrius juste ici:
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[…] initialement publié sur Radio Campus Lorraine le 19 avril […]