Théâtre : Loss, quand le deuil devient source d’espoir et de vie

 In Culture

Le spectacle Loss de Noëmie Ksicova s’est installé au CCAM le 13 et 14 décembre 2022. Cette pièce de théâtre explore les frontières entre la vie et la mort après le suicide d’un adolescent. Une expérience déconcertante et émouvante.

Tout commence par une drôle de tirade. L’autrice et metteuse en scène Noëmie Ksicova se lève de son siège et monte sur scène. Sa voix s’élève en direction d’un jeune homme nommé Rudy, affalé sur le canapé. Mais il n’est en réalité qu’un souvenir, un fantôme. Il est ce camarade de classe dont elle était amoureuse et qui s’est suicidé. Pas sûr qu’il se souvienne d’elle, mais elle, elle ne l’a pas oublié. Avant de s’éclipser, elle glisse quelques mots qui résonnent en nous : «Je croyais que c’était les morts qui avaient besoin des vivants. C’est le contraire. Ce sont les vivants qui ont besoin des morts pour vivre.»

Un anniversaire, de la cohésion et de la joie

Retour à la réalité. Une salle à manger. Une table. Quelques chaises. Une télé. Un canapé douillet avec plaid et coussins. Quoi de plus ordinaire ? L’atmosphère se réchauffe. C’est un jour particulier : l’anniversaire de Rudy, 17 ans, en terminale ES, entouré de ses parents, de sa sœur et de sa petite amie. Tous affichent une parfaite entente, une profonde cohésion.

Les proches de Rudy sont réunis pour son anniversaire.

Les proches de Rudy sont réunis pour son anniversaire. © Simon Gosselin

Ce jeune homme blagueur à l’allure sportive et décontractée prend plaisir à nous décrire chacun des membres de son entourage. Et pourtant, il va se jeter sous un métro quelques jours plus tard. Pourquoi ? Personne ne le sait. Tout allait bien. Se posent alors certaines questions. Comment vivre sans l’être aimé ? Comment faire son deuil ? Finalement, l’année ne sera pas douce et légère. L’an fini, ils ne seront pas tous réunis comme dans la chanson d’anniversaire.

L’absence et le vide laissés par l’être aimé

Le deuxième temps de la pièce marque une rupture. Le son d’un métro sur les rails. Le temps se fige. Les lumières s’éteignent. La musique est assourdissante. Tout n’est que chaos et répétitions. Ce sont les mêmes questions qui meublent le silence, des répliques vides de sens.Les personnages sont devenus les ombres d’eux-mêmes et sombrent dans l’inactivité. Le manque, l’absence et le vide se font sentir. Ils ne communiquent plus entre eux. Pour sortir de cette léthargie, ensemble, ils vont trouver un moyen de ressusciter Rudy. Reprenant peu à peu goût à la vie, la famille rejoue des souvenirs.

Une pièce qui questionne le deuil, la vie et la mort

Face à une société cherchant à effacer la mort, le théâtre ramène nos êtres chers à la vie. D’un grand réalisme, cette pièce poignante mais pas larmoyante nous montre que les vivants ont besoin des morts pour vivre. Le deuil, ce n’est pas apprendre à vivre sans, c’est accepter de vivre avec.

Le fantôme de Rudy et sa petite amie Noémie. © Simon Gosselin

Le fantôme de Rudy et sa petite amie Noémie. © Simon Gosselin

Chacun d’entre nous peut trouver écho en cette pièce, que cela soit dans nos propres vies ou dans d’autres œuvres. Si vous avez aimé lire LÉtranger d’Albert Camus, Réparer les vivants de Maylis de Kerangal ou Les nouveaux anciens de Kate Tempest, vous apprécierez sûrement regarder Loss.

Interview de Noëmie Ksicova : « La mort, c’est un sujet tabou, mais les gens aiment qu’on en parle, ça leur fait du bien. »

Le 14 décembre, après avoir assisté à cette pièce, nous avons eu l’opportunité d’interviewer la metteuse en scène, Noëmie Ksicova. Ex-Oblique, elle se questionne sur la notion du « garder vivant » et s’intéresse à « l’individu face à des évènements qui le modifient ». Elle nous parle de ses inspirations multiples, de musique, de parents endeuillés trouvant du réconfort dans cette pièce ainsi que de l’accueil bienveillant réservé par la jeunesse. Une interview à ne pas manquer ci-dessous.


Conception Noëmie Ksicova
Texte Noëmie Ksicova en collaboration avec l’équipe artistique
Mise en scène Noëmie Ksicova, Cécile Péricone

Du mardi 24 janvier 2023 au vendredi 27 janvier 2023 à 20h00 à la Comédie de Reims

Tout public dès 14 ans

Découvrez la suite de la saison du CCAM – Scène Nationale de Vandœuvre.

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