Forum de la laïcité 3/3 – « en dictature c’est ferme ta gueule, en démocratie c’est cause toujours »
Samedi 30 janvier dernier se tenait le forum de la laïcité au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle à Nancy. Au cours de cette journée eurent lieu de nombreux ateliers sur des thèmes divers et variés avec les différents représentants de l’État et des Fédérations d’Éducation Populaire. Mais les premiers concernés, à savoir les jeunes, où étaient-ils ? Troisième et dernier volet de notre dossier sur le forum de la laïcité en forme de coup de gueule.
« Je suis ou je ne suis pas Charlie », version bien contemporaine du « être ou ne pas être » Shakespearien, voilà qui lance le ton de la table ronde sur la Liberté d’Expression organisée samedi 30 janvier dernier au Forum de la Laïcité et de la Citoyenneté. Le débat va de bon train. L’un des organisateurs écrit, au fur et à mesure des interventions, les grandes questions qui s’en dégagent bien en évidence sur le tableau. Au bout d’un certain temps on peut y lire : « Rôle des médias et d’internet dans la construction des jeunes » ou encore « Clivage entre jeune et ancienne génération »…
L’assemblée est unanime : le lien se perd avec les jeunes d’aujourd’hui. Ils manquent de règles, de valeurs, et ne saisissent plus les limites entre liberté et anarchie. Les participants témoignent chacun leur tour des dérives dont ils ont été témoins depuis les attentats de janvier. A qui la faute ? Les médias, les réseaux sociaux, les parents, ou encore l’école qui ne remplit pas son rôle. Alors que les discussions sont bien entamées et que chacun y va de son avis, l’initiative semble atteindre son objectif : partager, échanger et, peut-être, trouver des solutions.
Très bien, mais où sont les premiers concernés, les jeunes ? On parle de leurs problèmes, de leurs habitudes, de leurs réactions, de leur avenir… On parle d’eux mais sans eux. On dit vouloir répondre à ce clivage qui sépare les générations, on dit vouloir leur redonner la parole, on dit vouloir les aider à comprendre ce monde là et leur donner les moyens d’agir. Plein de bons sentiments et de bonnes idées autour de cette table mais n’aurions-nous pas oublié d’inviter les principaux intéressés ?
Ah mais bien sûr, les intéressés se révoltent ! Le credo « Jeunes tous pourris » ne date pas d’aujourd’hui.
Or, aujourd’hui, outre réaliser que les adultes ne sont pas parfaits, on réalise surtout qu’ils nous lèguent un monde dévasté. Alors que les jeunes perdent foi, quoi de plus normal ? Les adultes, politiques, journalistes, ne font que leur répéter à quel point ce monde est foutu, tel une mantra : chômage, pollution, crise environnementale et j’en passe. Notre destin serait ainsi tout tracé : un dossier à pôle emploi et un masque antipollution. De quoi faire rêver.
Le délitement, on le doit à une prise de conscience de vos erreurs passés que l’on devra assumer et à votre pessimisme ambiant. Si la liberté d’expression pouvait s’accommoder d’une expression d’espoir nous vous en serions reconnaissants. Pour le moment vous séquestrez notre avenir entre vos mains poussiéreuses.
Pourtant, ce monde vous ne le comprenez plus. Ce monde ultra-connecté est peut-être le terrain de dérives au nom de la liberté d’expression mais il est aussi l’acteur d’un nouveau monde coopératif. Les initiatives se multiplient et créent un réseau de service inédit qui met à nouveau les individus en relation et tisse un autre rapport social basé sur l’entraide et l’échange.
Les citoyens ont des idées alternatives, ils savent innover et comprennent très bien les enjeux de notre temps. Malheureusement, comme le faisait très justement remarquer un intervenant, si « en dictature c’est ferme ta gueule, en démocratie c’est cause toujours ».
Juliette Rouleau