Cinéma : film inspiré de faits réels VS. histoire originale !
Depuis début 2016, on soupe régulièrement de films inspirés de faits réels. Dans l’ordre : The Big Short, Legend puis Spotlight, ou encore The Revenant. Pour une raison qui m’échappe encore, j’ai longtemps pensé qu’un film avec un scénario créé de toutes pièces avait plus de mérite qu’un métrage inspiré d’une histoire vraie. Il faut être honnête, si un film se base sur un fait divers captivant en soi, il part avec un sacré avantage. Mais comme tout et pour tout, il y a l’art et la manière de faire les choses.
Adapter un fait divers au cinéma ne signifie pas avoir un scénario prêt à l’emploi ! Pourquoi ? Car faire du cinéma ça veut dire respecter des règles. On peut par exemple mentionner la contrainte temps, qui limite la durée maximum d’un film à environ 3 heures. Ainsi, si le fait divers est complexe, il va falloir retirer un certain nombre d’éléments afin de ne pas violer cette contrainte. Pour être plus clair, comparons deux films.
Room – Lenny Abrahamson
Les tenants et aboutissants de Room (sorti en France le 9 mars 2016, avec Brie Larson, Oscar de la Meilleure Actrice) peuvent être résumés très rapidement. Le film s’inspire d’un fait divers autrichien et relate l’histoire de Joy, femme séquestrée 7 ans durant dans la même pièce. Peu après les 5 ans de son fils Jack et grâce à ce dernier, elle parvient enfin à s’échapper. Room peut être résumé comme suit : femme + enfant dans boîte → femme + enfant hors de la boîte → femme + enfant doivent s’adapter à leur nouvelle vie. Avec cette simplification grossière, je n’entends pas dénigrer l’histoire en elle même car bien évidemment, Room est bien plus complexe et profond que cela. Cependant, il convient de dire que dans les grandes lignes, ce sont les principales étapes du film.
Spotlight – Tom McCarthy
De son côté, l’histoire dont s’inspire Spotlight (sorti en France le 27 janvier 2016, Oscar du Meilleur Film) implique beaucoup plus d’étapes et de sous-étapes que Room. Les plus tatillons d’entre vous me dirons certainement que les sous-étapes de Room peuvent se traduire par les paliers psychologiques que franchissent les personnages. Je serai le premier à dire que c’est vrai, mais rappelez-vous, le but ici est d’avoir une vision globale des œuvres. Spotlight raconte l’histoire d’une équipe de journalistes d’investigation au Boston Globe, dont l’enquête s’étalant sur toute l’année 2001 a révélé au grand public une série de viols commis par des prêtres (je vous invite d’ailleurs à consulter ma critique de Spotlight si vous souhaitez découvrir ce que j’en ai pensé). Cette fois-ci, il est difficile d’énumérer les principales étapes du film tant l’enquête qu’il relate est dense et complexe.
Room et Spotlight imposent donc des contraintes différentes,
et ce malgré qu’ils soient tous les deux inspirés de faits réels.
En effet, adapter l’histoire de Spotlight implique deux choses : sélectionner les étapes et sous-étapes essentielles pour former un tout cohérent, et respecter les canons de longueur maximum, soit un peu moins de 3 heures. Contrainte supplémentaire : mettre l’accent sur certaines scènes afin de créer du suspens et de l’empathie, et conserver un rythme soutenu. Le tout constitue un casse tête à résoudre dans l’optique d’un seul but : faire ressentir au spectateur l’état d’euphorie, de colère, de joie ressentit par les personnages du film (et donc par les personnes issues de la véritable histoire).
Pour Room, la tâche est différente dans la mesure où ce ne sont pas les étapes du récit qui priment, mais les paliers psychologiques évoqués plus tôt. Je m’explique ! Comme dit précédemment, les grandes lignes de Room peuvent être résumés comme suit : femme + enfant dans boîte → femme + enfant hors de la boîte → femme + enfant doivent s’adapter à leur nouvelle vie. Mais ce n’est pas pour autant que le film est ennuyeux et inintéressant, bien au contraire. Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que malgré une base pré-établie, les films inspirés de faits réels ne demandent pas tous la même approche. Ainsi, Room va privilégier un rythme lent et des moments oppressants afin de transmettre au mieux l’état des personnages.
Donc comme pour Spotlight, Room vise à retranscrire
des sentiments et une atmosphère le plus fidèlement possible.
Les histoires dont s’inspirent Room et Spotlight n’ont pas été choisies au hasard. Elles ont été portées à l’écran car elles dégagent quelque chose de très particulier, que le cinéma est à même de communiquer. Donc, un film dont le scénario a été créé de toutes pièces a-t-il plus de mérite qu’un métrage inspiré d’une histoire vraie ? Pas si sûr. Tout comme il serai un peu court sur pattes de penser qu’il vaut mieux lire le scénario d’un film inspiré de faits réels plutôt que de le voir en salle (ce que j’ai également eu tendance à penser).
Par ailleurs, inventer un scénario à destination du cinéma permet de préalablement formater son œuvre, afin de coller aux critères de temps, de rythme, etc. Cette phase de création n’est pas évidente, tout comme il n’est pas évident de faire rentrer un fait divers dans le moule cinématographique. Quoi qu’il en soit, qu’un film soit inspiré de faits réels ou non, vouloir transmettre quelque chose de bien particulier au cinéma ne sera jamais chose aisée.
Alexis Zema
PS : Je me permets un minuscule post-scriptum pour remercier Coralie Zema, sans qui cet article n’aurait pas autant de look ! C’est elle qui a réalisé la bannière principale et la bannière de conclusion, elle recherche un boulot en tant qu’infographiste alors n’hésitez pas à la contacter si vous avez un poste à lui proposer !
Son portfolio : http://www.japandragon.portfoliobox.me/
Son mail : zema.coralie@gmail.com