Cambio Liberta – Colombiana : Voyage au bout de l’enfer
07/09 – Le ministre colombien de la défense, Juan Fernando Cristo, viens d’annoncer l’arrivée de renforts militaires dans la petite localité de Blenido, à la demande express du chef de la police locale. Déjà en 2014 la région avait été secouée par le conflit entre les cartels de Barranquilla et de del Norte del Valle. Nous avions alors révélé les failles et le manque de réalisme de l’intervention militaire, amenant à la mort de plusieurs civils et à l’apparition d’une ou plusieurs nouvelles factions dont l’une se faisant appeler le « JRA ».
Au lieu d’améliorer la situation, le gouvernement colombien, qui mène la même politique de guerre inutile contre les cartels depuis trente ans, l’a finalement rendu totalement incontrôlable. Alors que le bon sens amènerait n’importe quel individu rationnel à penser une nouvelle tactique, le gouvernement de Juan Fernando Cristo s’entête donc dans la même logique répressive et militaire avec des conséquences que nous connaissons déjà.
Cette année, le chef de la police locale a donc réclamé des troupes, avouant lui-même être dans l’incapacité de sécuriser les festivités du San Padrino. Une fois de plus, le peuple innocent va donc se retrouver sous les tirs d’une police gouvernementale corrompue et violente. Tout ceci, bien entendu, sous l’œil bienveillant des impérialistes de Washington qui semblent être les seuls à profiter de l’instabilité politique de notre pays depuis maintenant des décennies.
Par fidélité à nos lecteurs à la recherche de vérité, nous nous rendons en ce moment-même au village de Blenido pour informer le peuple de ce qui s’y passe réellement.
09/07 – chapitre 1 – L’armée colombienne en intervention… ou en villégiature ?
Si on s’en tient à la version gouvernementale, ce qui se passe à Blenido serait assez simple : différents cartels mettent en péril la sécurité de la région. En face : les policiers du commandant Alvaro Chavez, en charge de la sécurité des habitants, et l’armée colombienne envoyée en renfort par le Ministre Juan Fernando Cristo pour rétablir l’ordre dans la région. Bref, deux camps : celui du gouvernement et de l’ordre contre celui des criminels et de la drogue.
Mais nos lecteurs le savent, les versions officielles s’effondrent vite en Colombie. Ici, il nous aura suffit de suivre une patrouille de l’armée, en pensant rencontrer les cartels, pour s’en rendre compte. Alors que l’on s’attend à ce que les soldats partent localiser leurs camps, leurs sites de production ou leurs hommes de main, le sergent nous explique qu’il se contente d’aller sécuriser « la passerelle », c’est-à-dire l’entrée ouest du village de Blenido. Une opération de sécurisation et de défense des entrées du village qui incombe normalement à la police du commandant Chavez, postée à l’intérieur des murs. Or, comme nous le découvrirons plus tard, les relations entre la police et l’armée sont loin d’être des relations de confiance. ( voir le chapitre 2 : « police nulle part, insécurité partout » )
Quelques kilomètres plus tard, la colonne s’arrête, aucun échange de tir. Une troupe qui s’identifie comme « mercenaire » envoi un homme les bras en l’air pour parlementer, l’armée semble totalement détendue, pas vraiment à la recherche d’affrontements ou de tentatives de neutralisation des groupes paramilitaires. La discussion entre les deux parties s’engage, le mercenaire indique une position décrite comme « chaude » aux soldats de l’armée, qui ne s’y rendront pas.
Bien loin des postures virilistes et martiales du ministre de la défense qui annonçait le rétablissement prompt de l’ordre dans la région, nous avons vu une armée colombienne réduite à faire de vulgaires randonnées dans les bois en conversant avec des groupes paramilitaires lui donnant des informations dont elle ne faisait rien. Nous qui pensions que suivre l’armée serait le moyen le plus simple d’apercevoir les cartels, nous nous rendrons compte par la suite qu’il nous suffisait tout simplement de nous rendre… à Blénido même !
09/07 – chapitre 2 – Police nulle part, insécurité partout
Si l’armée fait le travail de la police, peut-être est-ce parce que la police ne fait pas son travail. Est-elle vraiment là pour protéger la population ? Est-elle vraiment efficace ? Ou a-t-elle un autre agenda ? C’est la question à laquelle nous avons cherché à répondre tout au long des ces heures chaotiques, les événements donnant bien souvent raison à nos suppositions. Premier bémol : la police ne fait pas vraiment l’unanimité dans le village comme en témoigne ce civil :
En outre, la Police est sensée contrôler les entrées dans le village afin de s’assurer qu’aucun membre de cartel ne rentre avec des armes ou de la drogue. Un policier nous admet pourtant qu’un homme a put rentré armé dans le village, il s’agirait d’un réfugié politique que l’agent est d’ailleurs incapable de localiser au moment où nous lui parlons. Histoire de rassurer encore plus, il semble ne pas être plus informé que nous sur les événements en cours, sans pour autant paraître inquiet ou anxieux…
Tout le monde semble ainsi admettre que la police de Blenido est, d’une manière ou d’une autre, corrompue. Les policiers eux-mêmes ne s’émeuvent pas spécialement de cette réputation, à part leur commandant, Alvaro Chavez qui tiens toujours à témoigner de sa droiture et de son intégrité à qui veut l’entendre. Des discours de bonnes intentions qui n’empêcheront pas les habitants de subir quelques frayeurs au cours de l’après-midi.
Alors que les policiers semblent plus occupés à contrôler du regard les candidates au concours de Miss Blenido, Tom Braun, A.K.A Gonzo, rédacteur-en-chef du journal pro-gouvernemental Canal Capital est pris en otage par un individu non-identifié juste devant le commissariat. L’affaire se terminera sans drame et avec une incarcération pour le « terroriste », mais c’est étrangement pile à ce moment opportun qu’une autre bande à décidé de braquer le bar à l’autre bout du village… ce qui n’empêchera pas nos confrères d’embrayer sur un hommage vibrant à cette police qui défendrait si bien le peuple.
En nous rendant au sud-est du Fort où des tirs nourris retentissent, nous découvrons alors trois hommes de l’Armée Colombienne (qui ne se lance donc toujours pas à la recherche des cartels) qui essuient des feus nourris sans aucun soutien de la police. Malgré leur insuffisance numérique les soldats parviennent à repousser temporairement l’assaut, l’un d’eux nous confie alors qu’il ne place aucune confiance dans la police.
Toujours selon eux, pour coordonner les deux forces (police et armée) en cas d’attaque massive, 20 minutes minimum seraient nécessaires. Bien suffisant pour faire des victimes parmi les civils, voire pour prendre le village, et oui, une prise de la ville par les cartels seraient effectivement possible… Mais pour l’agent Malone, leader de l’escouade Alpha de la police, « tout va bien ». Circulez, y a rien à voir.
09/07 – chapitre 3 – Factions divisées cherchent à s’additionner pour s’éliminer
Las de faire chou-blanc en suivant les troupes qui devraient normalement aller chercher les cartels là où ils sont, nous nous risquons à partir sans escorte dans la forêt. Quelques kilomètres à peine après avoir passé le checkpoint de l’armée au sud-est du village, nous tombons sur une patrouille non-identifiés qui refusera de nous dire à quelle faction ils appartiennent. Nous leur parlons de la situation telle qu’elle est vécue par la population de Blenido, mais ils expliquent avoir leurs propres problèmes. L’un des hommes décide finalement de nous parler, plus pour tenter de nous arracher des infos que pour nous en donner. Cependant, alors que nous nous préparons à continuer notre chemin, il nous rappelle et nous conseille de nous rendre plus au Nord sur la carte, dans un passage a priori neutre entre deux zones tenues par l’armée colombienne. « Vous verrez qui déstabilise vraiment votre pays ».
Là-bas se trouvent une quinzaine d’hommes armées qui disent combattre « pour le plus offrant », parmi eux se trouve le mercenaire qui a donné des indications à l’armée lorsque nous suivions une patrouille. Ils se nomment Los Cafardos, (« les cafards ») et nous les recroiserons à plusieurs reprises, bien souvent avec l’armée colombienne dans les parages…
Plus loin, nous retournons sur la route ou nous croisons des Hommes du cartel de Norte Delle Valle, qui après avoir entendu des civils et des diplomates parler d’exécutions sommaires effectués par la police, tentent une attaque sur Blenido. « Nous voulons rétablir la liberté et la libre-circulation pour nos frères » nous explique l’un d’eux. « La police et l’armée sont corrompues. » Lorsqu’on lui demande si les rumeurs d’une alliance des JPR avec Norte Delle Valle sont vraies, il nous répond « on est en Colombie, ici. Des fois c’est vrai, des fois c’est pas vrai… ». Bon résumé de l’anarchie complète qui règne sur la région.
Sur leur parcours : le goulot d’étranglement tenu par Los Cafardos. La situation est extrêmement tendue, les cafards ne veulent pas les laisser passer sans contre-partie financière. La négociation se fait sous la menace toujours plus pesante des armes. Les Norte Delle Valle finissent par plier et échangent leur droit de passage contre 6 C.A.s. Ils battront finalement en retraite après que plusieurs de leurs hommes aient été tués par des tirs de l’armée colombienne contrôlant la passerelle et qui les attendaient visiblement de pied ferme.
09/07 – Chapitre 4 – Je t’aime / Moi non plus
Alors que la fête du San Padrino bat son plein, nous décidons d’en apprendre plus sur les cafards en nous rendons à leur camp. Juste après notre arrivée, un sergent de l’armée colombienne vient négocier une alliance en bonne et due forme. Les cafards, qui rançonnent tout les groupes paramilitaires locaux en échange d’un droit de passage, préviennent l’armée que le cartel de Baranquilla va probablement passer par ici. Après leur avoir subtilisé de l’argent, ils préviendront l’armée de l’arrivée du cartel vers le camp militaire pour les prendre en tenaille.
Le sergent colombien repart avec un accord de principe. Au village, certain civils parlent d’une intervention de l’armée contre la police et le maire dont les cafards pourraient pleinement profiter. Alors que les incidents et les exactions de la police continuent au sein de Blenido, les villageois retiennent leur souffle. A l’extérieur, l’armée est toujours sur les dents pour défendre le sud du village contre des forces non-identifiées mais qui ne reculeront plus…
En fin d’après-midi, les cafards se mettent en marche vers le camp de l’armée pour mettre au clair les choses une bonne fois pour toutes. L’armée semble cependant rester méfiante. Après avoir parlementé pendant quelques minutes, les mercenaires retournent à leur camp pour expliquer la situation à leur chef. L’armée veut bien s’allier avec le groupe, mais lui refuse le droit d’entrer dans le village avec les armes et à condition de montrer patte blanche. Fatigué d’être dans une situation d’entre-deux, le chef des cafards balaye la discussion d’un revers de main. » Ils nous emmerdent depuis le début. Si ils n’ont pas confiance en nous alors on n’a pas confiance en eux. »
Soudain, l’info passe dans le Talkie d’un des hommes : la passerelle du village n’est gardée par aucun policier. Ni une, ni deux, les mercenaires se lancent bille en tête dans l’attaque de Blenido. L’idée, c’est de forcer la main de l’armée colombienne comme l’explique le chef : « on va tenter une opération coup de poing et leur montrer que si on y va armés c’est avec eux et non pas contre eux. Et que si on veut faire bouger les choses on peut. De toute façon ils devraient savoir qu’on a un allié qu’ils feraient mieux de ne pas se mettre à dos… »
Nous suivons les cafards jusqu’à la passerelle de Blenido : aucune force d’opposition pour garder l’une des entrées les plus convoitées depuis le début des hostilités. Le groupe de mercenaire progresse en périphérie du village jusqu’à l’entrée sans rencontrer aucune résistance. Plusieurs rumeurs circulent alors, la police serait trop occupée à défendre l’autre entrée du village avec l’armée pour certaines, trop occupée à festoyer pour d’autres. Quoi qu’il en soit les cafards s’infiltrent dans les sous-sols avec une facilité déconcertante, en espérant que l’armée ne les engagera pas.
Mais, même indéfendu, Blenido ne se laisse pas conquérir aussi facilement. Les cafards finissent par se perdre dans les dédales sous-terrain du village et la panique s’empare rapidement du groupe alors que l’un d’eux aperçoit un homme derrière eux, potentiellement « un flic ». Se pensant repéré le groupe fonce tête baissé sans savoir exactement où il va. Il se retrouve rapidement coincé sur les hauteurs du village où ils sont accrochés. Certains d’entre eux appellent l’armée à ne pas tirer, en vain, de l’autre coté il s’agit de la police. Le groupe se disperse, celui que notre journaliste accompagnait se retrouve fixé contre le sol jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre. Dans le violent échange de tir qui s’en est suivit, la police a touché notre journaliste et n’a pas cherché à lui porter secours.
L’armée et la police auront résisté aux attaques contre le village tout au long de la journée et tiendront leurs positions tout au long de la nuit où les cartels se déchaînent purement et simplement, tirant absolument sur tout ce qui bouge. Après une expédition véhiculée de l’armée en forêt, un cessez-le-feu est déclaré à 1H du matin.
09/07 – Chapitre 5 – La police prend le pouvoir pour mieux le rendre à ceux qui veulent le garder
Au cours de la nuit, le maire est destitué par la police de Blenido qui prend le contrôle du village. Le commandant Alvaro Chavez n’a en fait pas eu le choix : deux individus ont réussi a prendre en photo un paquet de Cocaïne dans les bureaux de la mairie. Des touristes ? Oui, enfin plutôt deux agents de la DEA américaine partis en vacances.
Mais le commandant sait rester fidèles à ses amis « on ne voit pas la drogue entre les mains du maire sur ces photos, il reste donc innocent pour moi jusqu’à nouvel ordre. » Le maire récupérera finalement ses fonctions dès le lendemain matin, au grand dam des villageois qui commencent à sérieusement angoisser :
10/07 – Chapitre 6 – La violence n’a pas besoin de repères.
Jusqu’au cessez-le-feu les affrontements auront été particulièrement violents autour du village, chaque cartel ou groupe paramilitaire lançant sa propre initiative. Incapables de s’allier, aucune de ces tentatives ne survivra au mur de fer dressé par l’armée autour du village. Jusqu’à 6H du matin, les villageois ont put profité de quelques heures de répit mais la réalité a vite repris ses droits avec des affrontements reprenant de plus belle tout au long de la journée.
Nos conditions de travail se trouvent alors de plus en plus dégradée, chaque individu, armé ou non, devenant une cible potentielle au dehors où plus personne n’est ami. La violence se déchaîne absolument sans discernement, deux journalistes de Canal Capital seront d’ailleurs touché à l’entrée du village alors même qu’aucun membre de l’armée ou de la police n’était a proximité.
A l’intérieur aussi les repères s’effondrent, les civils ne peuvent quasiment plus sortir, des coups traversant régulièrement la rue principale à cause d’un tireur embusqué. Plusieurs attaques au couteau sont perpétrées, des civils se mettent eux aussi à tirer sur tout ce qui bouge au dehors (y compris sur les journalistes). Des cartels parviennent à pousser jusqu’à l’intérieur de Blenido a plusieurs reprises sans que l’on sache ce que fait la police qui ne mobilise jamais plus de quelques hommes à la fois.
En début d’après-midi, les tirs finissent progressivement par cesser et l’ordre reprend peu à peu sa place. Le bilan de l’intervention militaire colombienne est calamiteux : plusieurs civils ont été tués, parfois par la police elle-même, sans oublier que l’armée s’est elle-même mise à tirer sans sommation devant le chaos de la situation. En outre, selon nos informations, les cartels, qui étaient alors au nombre de trois, auraient éclatés en une multitude de petites factions, qui seront certes incapables de prendre le dessus, mais qui continueront à déstabiliser la région et à maltraiter les paysans :
A chaque fois que Juan Fernando Cristo s’amuse à couper la tête du serpent, deux de plus repoussent aussitôt. A moins qu’il ne soit hercule, impossible de comprendre comment la réponse militaire viendra à bout de l’hydre des cartels de drogue.
Toute ressemblance avec des événements ou personnages réels ou fictifs est totalement fortuite.
Il s’agit d’une fiction réalisée au cours d’une gigantesque partie d’airsoft scénarisée par l’association airsoft contact.